lundi 2 juillet 2012

Les Raves se racontent au Présent 1.1

Épisode 1.1 : Je rêve


« Dans la lande, un homme est assis sur un rocher, au bord d'un chemin. Il a la tête dans les mains.
Une image disparaît dans sa mémoire. »

Pffff ! Nul et archi-nul !

« Mais... mais qui me parle ? »

Quoi ? Tu peux m'entendre ?

« Je deviens fou ! »

Non, tu n'es pas fou !

Disons que tu rêves.
Sauf que, moi non plus je ne m'y attendais pas.
Voyons voir...

« Mais alors, mais… t'es qui ? »

C’est vrai, tiens… Pfffff ! Rhaaah !
Voilà :
Je m'appelle Ewan. Je suis quelqu'un qui apparaît dans les rêves.

« Sans Blagues ! »

Je t'assure ! D'ailleurs je vais apparaître dans celui-ci.

« Non !!!! »

Si.

« Pourquoi je t'entends déjà ? »

Aucune idée.

« C'est peut-être lié au cauchemar ! »

Peut-être. Mais, désolé de t'avoir dérangé dans ton rêve !

« Oui, enfin, il a pas l'air de te plaire ! »

Si, non ! Mais…
J'en sais rien, moi ! Il est à peine commencé.

Seulement voilà…
Ton type assis sur une pierre...

« Ah, ouais ! C’était ça.
Donc…
Au milieu de la lande... »

Attends !

« Quoi ? »

Freine ton élan !

« Désolé ! Qu'est-ce que j'ai fait ? »

Le gars, assis avec sa tête dans les mains ; pour des gens non-avertis, ça peut faire un peu gore. Dis-leur où sont tes mains, sinon, ils vont croire que ta tête est sur tes genoux. Je sais que tu sors d'un cauchemar, mais le gore, là, moi, j'essaie d'arrêter !

Et puis, écoutes :

Un : tu va trop vite ; freine !
Deux : c’est toi qui le vit ; rêve-le de façon plus personnelle, s’il te plaît.

« Ah ! Merci ! »

A ton service !

Dix : efface l'image d'un type assis sur une pierre ; laisse revenir celle que j'y ai mise au départ.
Onze : je ne suis plus là ; tu ne m'entends plus.

A toi !

Attention...

Les raves se racontent au présent :

« Une barre chocolatée, posée en travers de boudins roses.
Une bonne grosse barre de chocolat, pleine de caramel, bien appétissante.
J’ai faim !
Elle s'estompe.
Lentement.
Une brise fraîche caresse le dos de mes mains.
Elles sont pressées contre mon visage.
Mes coudes appuient sur mes genoux.
Je suis assis, apparemment dehors, sur quelque-chose d'aussi dur que de la pierre.
Mes mains sentent la terre.
Je relève la tête pour les regarder.
Je les vois à peine ; il fait nuit !
Elles sont sales.
Elles sont vides.
Pas de chocolat !

Je pousse un soupir de soulagement.

« Haaaaah ! Merci, mon Dieu ! C'est un rêve ! »

Je contemple encore mes mains.
J'ai peur que le chocolat ne réapparaisse.
Je veux que ce soit un rêve.
Je sors à peine d'un cauchemar.
Quelle horreur, mais alors...
Plus moyen de m'en souvenir.
De toute façon, je ne veux pas le revivre.

Le ciel est plein d'étoiles.

Je suis au bord d'un sentier couvert de hautes herbes.
Assis sur un rocher, les pieds dans une tranchée d’herbe couchée par les roues de nombreux véhicules.
Amusé, je dis :

« C’est plus du tout à la mode, les roues ! Si ça se trouve, c’est la même vieille guimbarde qui est passée plein de fois ! » »

Mais… mais… A qui tu parles ?

« Ben, à toi ! Pourquoi ? »

Mais enfin, je te l’ai dit ! Je ne suis plus là !

« Ah ! Heu… désolé, je m’en souvenais plus. »

C’est pas grave. Excuse moi, je… j’ai pas l’habitude.

Ecoute :
Douze : Je suis là, mais je ne suis pas présent.
Vingt : Si tu me parles, je ne te répondrai pas.
Vingt-et-un : tu ne t’amuse pas, t’as peur !
A toi !

Tu es assis en pleine nuit, au bord d’un sentier dont l’herbe a été couchée par les voitures. T’as peur, parce que tu viens de faire un cauchemar.

« Désolé !
Pas la peine de s’énerver !
Heu…
Donc voilà :

Il fait nuit.
Il fait bon.
Le ciel est constellé d’étoiles.
Je suis assis, au bord d’un sentier dans la lande.
Je viens de vivre un truc abominable, mais pas moyen de m’en souvenir.
Et j’entends une voix qui est là, mais qui n’est pas là.
Évidemment, j’ai peur !
J'en tremble encore.
Mais ça va mieux, parce que je sais que je rêve.
Il peut arriver un lapin blanc avec une montre à gousset, ça ne me fera plus peur.

En face de moi, un champ bordé d’arbres.
Dans une torsion du cou, je me retourne.
Derrière moi, une forêt.
Et ce sentier qui semble ne jamais finir, d’un côté comme de l’autre.
J’entends des voix, assez loin, vers ma droite.
Quelqu’un arrive, sur le sentier.
En écarquillant les yeux, je distingue…
Un homme, accompagné d’un chien.
Un gros chien, genre berger allemand ou danois…
Côte à côte, ils avancent d’un bon pas, compte tenu des hautes herbes.
L’homme parle tout seul. Je ne distingue pas encore son visage, mais j’entends sa voix, grave et un peu rauque :

« On n’a pas le choix ! On est obligés de le leur rendre.
- Ouais, mais ça me bouffe ! Après ce qu’ils en ont fait… le remettre entre leurs mains ! »

Il s’est carrément répondu tout seul, et en changeant de voix !
Moins rauque, plus…
Humain !

« On peut plus rien, pour lui, reprend la première. Et si tu t’en mêles, ça finira dans la violence. »

Je jurerais que c’est le chien qui a répondu !
Ça ne parle pas, un chien !
Sauf, peut-être, dans les rêves.
C’est ça, je rêve !
L’homme s’exclame :

« Quel gâchis ! »

Le chien répond :

« Il pourra toujours servir d’hôte. Mais je te préviens, ça peut donner des résultats inattendus ! »

Et moi, je dis :

« Mais ça ne parle pas un chien ! »

L’homme et son chien s’arrêtent.
Ils me regardent.

« Tiens, t’es arrivé là, toi !, s’étonne l’inconnu. »

Il vient vers moi.
Barbu, chevelu, il porte un long manteau sombre, qui traîne presque dans l’herbe.
Il se penche vers moi et dit :

« Ca va, Didi ? Ben qu’esse tu fais là ?. »

Je réponds :

« On se connaît ? »

Le chien est resté en retrait.
Ce n’est pas un berger allemand, ni un danois. Il a quelque chose du chien de traîneau, mais en plus lisse… moins fourni en poils.
Et grand !
L’homme me regarde un instant, puis répond :

« Non ! Oublie… première fois que je te vois. Je t’ai confondu avec un pote.
- Ah ! J’espère que tu vas le retrouver !
- Merci. »

Il semble réfléchir un peu, puis :

« Mais, je crois qu’il a dû retourner au son.
- Le son ?
- Oui, le son. T’es bien venu pour la rêve ? »

Soudain la lumière se fait dans mon esprit :

« Oui ! C’est ça ! Tout à fait ! Je rêve !
- Ça tombe bien, nous aussi.
- Mais, pourquoi tu mets ça au féminin ?
- Quoi ? »

Il secoue la tête, faisant voler ses cheveux gris.
Il doit avoir la quarantaine, bien tassée.

« Laisse tomber, dit-il. Tu rêves. Tu veux te joindre à nous ?
- C’est que… j’attendais ici !
- Tu attendais qui ?
- Je… »

Je secoue la tête à mon tour :

« J’en sais rien !
- Alors viens avec nous ! A l’oreille, je dirais que c’est déjà commencé, mais ils ont pas encore branché toutes les machines. Écoute !»

Je tends l’oreille.
Un battement sourd gronde au loin, vers la gauche.
Il reprend :

« C’est des potes qui posent. Fais moi confiance, ils tâtent. Vingt-deux ans de pratique ! Je suis sûr que t’es venu pour ça.
- Je te dis... je sais pas…
- Viens avec nous ; on retrouvera bien tes potes, à toi !
- Ok, je… je viens. »

Il me prend doucement le bras tandis que je me lève.
Le chien s’est approché.
L’animal me lance un regard placide mais qui me fait frissonner.
Une double cicatrice lui barre le museau, en travers, passant de chaque côté de l’œil gauche.

« Dis-donc, ton chien, son œil a eu de la chance !
- On peut dire, répond l’homme, amusé. Caresse le un coup, ça va lui plaire ! »

J’avance la main droite pour flatter le museau du chien.
Effectivement, ça a l’air de lui plaire ; sa queue s’est mise à remuer.
Je demande :

« C’est quelle race ?
- Il a du husky et du lévrier.
- Ah ! Il lui manquerait presque la parole. Il est grand, dis-donc
- Sa légende personnelle dit qu’il est aussi croisé avec un ours. Mais y’a du loup, là dedans, tu peux me croire ! Donc il est sympa, mais va pas l’énerver.
- D’accord !
- Et puis, ça parle pas, un chien !
- Bien sûr que non, réponds-je ! »

Il me dévisage encore, puis :

« Allez viens ! »

Je m’engage sur le sentier, avec l’homme et son chien.
 


 A suivre…

Eric Gélard

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